Prestation de serment annoncée du CTRI : Ne pas nourrir la confusion
INTERNATIONAL


Sur quels fondements juridiques le président du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) demande-t-il l’onction de la Cour constitutionnelle ? Il doit plutôt engager des pourparlers avec les candidats aux élections d’août dernier.
Sauf à minimiser son rôle dans la mise en place du CGE et tout au long du processus électoral, le CTRI ne peut à la fois annuler les résultats des dernières élections et rechercher l’onction de la Cour constitutionnelle… Pour en appeler à une institution, il faut lui reconnaitre une autorité politique, juridique, éthique et morale. © GabonReview (Montage)
Moins de 48 heures après avoir déposé Ali Bongo, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) envoie des signaux inquiétants. Par un communiqué de son porte-parole, le LCol Ulrich Manfoumbi, il annonce le rétablissement temporaire de la Cour constitutionnelle, indiquant l’intention de son président de prêter serment devant cette juridiction. Sur quels fondements juridiques ? Pourquoi la junte se croit-elle obligée de se dédire, au risque de se discréditer ou de laisser le sentiment de naviguer en eaux troubles ? Pourquoi croit-elle nécessaire de s’en remettre à une institution dissoute par ses soins, quitte à se perdre dans les méandres juridico-institutionnels ou à étaler sa méconnaissance de ces circuits ? Veut-elle ouvrir la boîte de Pandore ou s’exposer à d’autres volte-face ?
Vernis de légalité
Le CTRI est libre de s’inspirer des expériences en cours au Mali, au Burkina Faso ou en Guinée. Ses membres peuvent ressentir le besoin de se couvrir d’un vernis de légalité voire de s’installer dans le paysage institutionnel. Mais, ils ne peuvent s’avancer sans tenir compte de la liesse populaire ayant salué leur coup de force. Ils ne peuvent décider sans cerner les attentes du peuple ou se demander s’ils sont en phase avec lui. De notoriété publique, la Cour constitutionnelle est une institution décriée. Surnommée «la Tour de Pise», elle est accusée de pencher systématiquement du même côté, de ne jamais dire le droit et d’avoir œuvré au maintien de la dynastie Bongo et à la protection de ses seuls intérêts. Durant les préparatifs des élections générales, elle ne s’est embarrassée d’aucun scrupule, validant tous les ajustements juridiques, faisant ainsi le lit aux «résultats tronqués» annoncés par le Centre gabonais des élections, mais dénoncés par le CTRI.
Sauf à minimiser son rôle dans la mise en place du CGE et tout au long du processus électoral, le CTRI ne peut à la fois annuler les résultats des dernières élections et rechercher l’onction de la Cour constitutionnelle. À moins de se faire une mauvaise appréciation de sa place dans le jeu juridico-institutionnel, il ne peut dénoncer une «gouvernance irresponsable, imprévisible» et rechercher son imprimatur. Pour demander l’onction de quelqu’un, il faut le considérer comme au-dessus de tout soupçon. Pour en appeler à une institution, il faut lui reconnaitre une autorité politique, juridique, éthique et morale. Ayant toujours affirmé avoir «confiance» dans la Cour constitutionnelle, ayant défendu son «efficacité» et sa «crédibilité», ayant pris part à des simulacres d’élection, Ali Bongo pouvait être investi par elle. Arrivé au pouvoir par une voie extraconstitutionnelle, ayant proclamé son ambition de restaurer les institutions, le CTRI ne peut faire de même. Sauf à nourrir la confusion, à semer le doute et à crédibiliser les hypothèses faisant état d’une volonté de la dynastie Bongo de se régénérer.
Insurrection populaire d’octobre 2014 au Burkina Faso : une expérience plutôt réussie
Le CTRI doit se rendre à l’évidence : une période de transition est toujours exceptionnelle, gérée en marge des institutions établies. De ce point de vue, le recours à la Cour constitutionnelle ne se justifie pas. Au lieu de créer un précédent aux conséquences mal connues, la junte doit réfléchir à la conception d’instruments temporaires jouissant du soutien du corps social. Autrement dit, elle doit abandonner l’idée d’une investiture pour engager des pourparlers avec les candidats aux élections d’août dernier. Pêle-mêle, on peut citer les composantes de la coalition Alternance 2023 et leur candidat, Albert Ondo Ossa, le Consortium des organisations de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon (Coted-Gabon), le Copil-citoyen…
Suite à l’insurrection populaire d’octobre 2014, le Burkina Faso avait relevé ce défi. En 13 mois chrono, ce pays était parvenu à des «élections aux lendemains apaisés», au terme d’une transition heurtée mais maîtrisée, conduite par un civil désigné de façon consensuelle et assisté du numéro 2 de la garde prétorienne de Blaise Compaoré. Sans tout reproduire à la virgule près, le CTRI peut tirer quelques enseignements de cette expérience plutôt réussie. S’il y parvenait, ses membres s’attireraient alors gratitude et admiration de la population. Au-delà, ils pourraient recevoir le satisfecit d’une communauté internationale quelque peu circonspecte à ce jour. Écouter, consulter, rendre compte : telle doit être la méthode. Définir une durée appropriée, un mandat conforme à sa dénomination et des étapes claires : telle est l’urgence. Toute autre démarche serait contre-productive.