PATRIE PÉTRIE

LIBRE EXPRESSION

8/9/2023

Il m’est extrêmement pénible de consigner sur un document officiel mon appartenance administrative à la France. J’ai beau être un Français dit de souche, je n’en tire aucune fierté ni aucune gloire particulière, bien au contraire. Je n’en tire aucun avantage. Je ne partage pas l’idée du souverainisme civil, ce souverainisme administratif qui n’est que de l’encre sur du papier. Il ne veut rien dire, n’a aucune base concrète, c’est du flan en tube.

En premier lieu, n’inversons pas les rôles. Je n’appartiens pas à la France. C’est elle qui est mon patrimoine. Elle me dépend au titre de l’héritage historique pétri dans le sang et les espoirs de mes ancêtres. Dans la pratique, cette vision patriotique est exclusivement théorique. Elle fut bien vendue par la troisième république dans ses écoles. Par ailleurs, je sais bien que nous sommes effectivement les éternels ilotes de l’oligarchie républicaine de plus en plus affichée et provocante.

Pour mémoire, la France n’est qu’un périmètre composé de terroirs acquis tant par la force que par les mariages. Depuis l’effondrement de la féodalité, elle n’a jamais plus appartenu au peuple et ce n’est pas le mirage révolutionnaire qui a changé quoi que ce soit. La France a changé de maîtres, mais les meubles que nous sommes et qui constituent la base de la propriété restent à la merci du bon vouloir de l’usufruitier. Passer du droit divin au droit de l’or de M. Jourdain, l’affaire n’a pas changé le sort du bas peuple. Bien au contraire, il a perdu tous ses droits corporatistes, tous les avantages des chartes antérieures et tous les bénéfices des us et coutumes, lies et passeries. Lisez bien et surtout en entier la loi du 4 Août 1789 liée à la fin des privilèges.

Le lecteur l’aura compris, je déteste être Français, dans le sens où ma position de petit pion corvéable à merci ne me sied aucunement. Il faut savoir que je rejette toute affiliation quelconque que je n’ai ni sollicitée, ni contractualisée. Je n’ai signé aucun contrat social et être assujettie à des règles tacitement induites par naissance me révolte. C’est ma nature. Elle m’a fait obtenir de l’évêque de Tarbes, ma radiation des registres baptismaux.

La première fois où je me suis senti hors norme, ce fut le jour où mon instituteur nous avait fait apprendre la Marseillaise. Cette décision était d’autant plus curieuse parce que l’école où il enseignait était privée et surtout sous l’égide catholique. Si à cette époque, les cafés sentaient un mélange subtil d’alcool et de tabac froid, cette école avait les délicieux relents de la monarchie et une haute idée de la société.

Ce jour historique pour moi a fait jaillir du tréfonds de mon inné ma désolidarisation du groupe. Pourquoi aurais-je dû apprendre un chant de partisans qui pue la haine et la violence d’un collectif patibulaire ? J’ai eu un beau zéro.

A présent, beaucoup d’eau est passée sous le pont pour bien inonder la plaine des illusions toujours en herbe. Non seulement mon rejet de la communauté humaine ne s’est pas transmuté en une douce soumission, mais il s’est étayé sur la connaissance de l’histoire et sur l’observation du monde politique.

Concrètement, je déteste non pas la France qui n’est qu’un mot, mais bien les Français qui la composent. Je les déteste car tous ne regardent que l’exclusif bénéfice de leur nombril. Ancien régime ou nouveau, rien ne change. A tous les niveaux de ce pays, chacun opère sa petite combine, se bat pour ses avantages et privilèges pudiquement appelés « droits acquis ». Les têtes portant les privilèges de droit divin furent coupées. Celles des droits pécuniairement acquis peuvent très bien être tranchées elles aussi. Il suffit d’une volonté de groupe.

Comment exiger des élus de la probité alors que tout le monde triche dans le jeu sociétal ? Personne ne se bat pour l’intérêt général. Tous œuvrent pour son petit cercle bien fermé. Il n’est pas un jour où on ne dénonce pas un détournement de fond, un abus de biens sociaux, des commissions rétroactives, des complaisances diverses et variées toutes frauduleuses. En un mot, l’air ambiant de ce pays pu l’arnaque généralisée à tous le étages. Elle touche non seulement toutes les sphères politiques, mais aussi tous les corps constitués, le monde associatif, syndical et les groupes d’autorité morale et philosophique autoproclamés supérieurs. Tous des voyous !

Quant au peuple de ce pays, il n’a aucun sens de l’histoire. Il ne gratte jamais le vernis de quiconque pour savoir à qui il a réellement affaire. De ce fait, il vote pour un gugusse croyant qu’il le représente réellement parce qu’il porte une étiquette conforme à son attente. L’animateur politique agite le fanion de l’intention, le détruit dans l’acte. Aucun citoyen ne réfléchit sur la projection de toutes les décisions que les enfumeurs européens et territoriaux nous accablent. En un mot, je ne suis entouré que de doux ignorants qui suivent en bêlant les douces démagogies de leurs bouchers. La crise sanitaire en est le dernier brillant exemple.

Alors, arborer avec fierté mon appartenance à un groupe géographique humain, au titre de ma liaison génétique inhérente à lui, est au-dessus de mes forces et de ma raison.