Histoire d’une sécession monétaire.
les deux provinces du Kasaï
INTERNATIONALLIBRE EXPRESSION


Ce récit va raconter une histoire vraie, pas trop vieille et méconnue d’une sécession monétaire. Elle se situe dans les années 90 dans une partie de l’actuelle RDC, qu’on appelait alors le Zaïre et plus précisément dans les deux provinces du Kasaï, (Oriental et Occidental).
On présente souvent le Congo, l’Afrique Centrale et l’Afrique en général comme un continent pauvre, sans ressources et avec des populations ignorantes et, en gros, sous-développées. Certes, bon nombre de ces pays et de leurs territoires étaient et sont toujours caractérisés par une grande pauvreté, mais il faut cependant se départir d’une image où les initiatives économiques (c’est-à-dire qui sont prises en ayant des objectifs qui intéressent la collectivité) ne sont le fait que des pays occidentaux. La vision occidentale nous conduit très souvent à ignorer d’abord, mépriser ensuite tout ce qui vient de l’étranger et en particulier du continent Africain. Cependant, au travers de cet exemple réel de sécession monétaire qui a duré plus de quatre ans, de 1993 à 1997 voire 1998, il est possible de tirer un certain nombre d’enseignements sur les politiques monétaires, sur ce que c’est qu’une monnaie, sur l’émergence et l’acceptation d’une monnaie, sur la gouvernance qui l’accompagne.
Par ailleurs, l’histoire qui amène à cette sécession est tellement illustrative de phénomènes économiques qu’on pourrait qualifier d’académiques. Je ne peux que faire le parallèle entre ce qui s’est passé au Zaïre de Joseph Désiré Mobutu Sese Seko Kuku Mbangu Wa Za Banga des années 90 et ce qui est en train de se passer dans l’espace de la zone Euro aujourd’hui et qu’on nous prépare depuis désormais plus de deux ans. (texte écrit en août 2022).
Mais reprenons le cours des évènements Congolais.
La situation économique du Zaïre des années 90 était désastreuse. Elle a aboutit à la disparition du pouvoir sans partage de Mobutu en 1997. La plupart des historiens du Congo feront partir le début de la fin du régime par les guerres lancées dans l’est du pays par Laurent-Désiré Kabila en 1996, soutenus par les pouvoirs régionaux du Rwanda et de l’Ouganda mais aussi par les USA, le Royaume-Uni notamment. Cependant, la situation économique du Congo de l’époque tirait sa situation de décisions qui, pour certaines avaient été prises plus de 25 ans avant le commencement de la dégringolade de la monnaie débutée en 1989.
Les premiers coups fatals furent données en 1973 avec la décision de la Zaïrianisation. Souvenons-nous du contexte international de guerre froide. L’occident tout puissant soutenait les régimes de potentats du moment pourvu qu’ils ne prêtassent pas allégeance à l’URSS. Et on leur pardonnait tout. Après tout, quelle impact les décisions d’un « roi nègre » sur le cours des évènements internationaux ? A cette époque, l’Afrique et plus particulièrement l’Afrique Centrale ne représentaient aucun enjeux, qu’ils soient démographiques, géopoliques, miniers ou écologiques.
Mobutu décida donc, treize ans après l’indépendance de saisir les biens des anciens colons européens (Belges pour la plupart, mais également Grecs et Portugais qui étaient venus chercher et faire fortune dans la production agricole dans le commerce dans ce pays au milles et unes opportunités pour qui acceptait de mouiller sa chemise). Ainsi, du jour au lendemain, les proches du pouvoir saisirent les biens, les entreprises détenues et gérées par ceux-là même qui, bien souvent les avaient créées.
S’ensuivirent une foule de conséquences finalement assez prévisibles : Les nouveaux propriétaires, non rompus à la gestion d’entreprises qui pouvaient être très importantes, se virent soudainement à la gestion de flux monétaires importants. Comme un enfant gourmand dans une usine de chocolat. Bon nombre de néo-entrepreneurs confondirent alors chiffres d’affaire et bénéfices.
Globalement, la période qui va de la zaïrianisation (1973) au début des années 2000, jusque la réforme du code minier de 2005, l’économie du pays est caractérisée par une décapitalisation.
A partir de 1973, les nouveaux gestionnaires privilégièrent la vie avant tout, la belle vie de préférence. Kinshasa devint rapidement alors la capitale mondiale qui importait le plus de champagne et de voitures Mercedes. Jusque la fin des années 80, le Zaïre et sa capitale vivaient au dessus de leurs moyens et, pour celui qui avait la chance, la fête battait son plein.
L’Etat parvenait, de moins en moins bien, il est vrai, à maintenir son rang, notamment grâce aux rentrées des devises obtenues par le secteur minier des géants étatiques de la MIBA et surtout de la GECAMINES. Si des problèmes de trésorerie survenaient pour payer les salaires des fonctionnaires, les pays principalement Européens représentés par des ambassadeurs en mal de reconnaissance s’arrangeaient pour financer les fins de mois difficiles. La Belgique du Roi Baudouin, la France de Giscard, puis de Mitterrand n’échappèrent pas à ces sollicitations auxquelles elles souscrivirent rapidement. Les enveloppes, les rétro-commissions voyageaient et entretenaient les flux qui, somme toute n’étaient pas si importants que ça. Et puis, c’était pour maintenir l’équilibre Est-ouest.
Deux évènements vinrent fissurer l’édifice : Le premier, passé inaperçu fut, faute d’entretien à cause de la Zaïrianisation, l’inondation en 1986 de la mine de Kambove, qui produisait bon an, mal an, quatre cent mille tonnes de cuivre et fournissait le principal des recettes de l’Etat. La Gécamines, à l’instar de bon nombre d’entreprises zaïrianisées n’avait pas entretenu son matériel et malgré le dévouement du personnel qui se démenaient pour maintenir en l’état leur entreprise souvent avec des bouts de ficelle, ils ne purent empêcher la disparition de leur outil de production. La mine de Kambove est à l’image de ce qui se passa également au sein de la Sizarail, (la CNCZ, les chemins de fer), des compagnies de transport étatiques tels que l’ONATRA ou les entreprises privées dans les plantations d’hévéa, palmiers à huile, café, cacao. A la fin des années 80, le Zaïre de Mobutu ne produisait plus rien et vivait complètement au crochet des pays donateurs.
Quand en 1989, le mur de Berlin tomba et que le monde occidental décréta la « fin de l’histoire », il devint alors inutile, pour les Etats-Unis du moins de continuer à soutenir des potentats qui ne présentaient alors plus aucun intérêt géostratégique. L’occident avait gagné contre le géant Soviétique, pourquoi s’encombrer à soutenir des régimes corrompus, non démocratiques et bien souvent dépassés par les évènements ?
A partir de 1989, la monnaie nationale, le Zaïre commença sa dégringolade. Sa véritable dégringolade, l’incontrôlée, la vertigineuse, celle qui commence avec une série de décisions historiques, puis qui s’entretient avec des pratiques de gouvernance propre au régime de Mobutu, enfin, pas tout à fait spécifique puisque Christine Lagarde fait finalement la même chose à la tête de la BCE de nos jours et ce depuis deux ans. Jusque 1989, le Zaïre avait gentiment dévissé par rapport aux monnaies Européennes et Américaine. Mais à la chûte du mur de Berlin, à l’arrêt de l’économie du fait des conséquences anciennes de la Zaïrianisation, le Zaïre entame ce qui amènera à un changement de régime huit années plus tard.
Il se disait à Kinshasa que, lorsque Mme Mobutu voulait aller faire ses emplettes à Bruxelles, Londres, Paris ou New-York, elle demandait des sous à son président des mari. Celui-ci convoquait son ministre des finances et lui demandait de lui fournir un million de dollars en petites coupures.
Le Ministre des finances convoquait son directeur de cabinet et lui demandait de demander au trésor public de lui fournir deux millions de dollars. Après tout, chacun trouve les moyens de financer son système de retraite, surtout dans des fonctions qui ne sont pas durables et soumises toujours à des aléas politiques et du fait du prince. Et puis, la famille est grande et compte sur vous.
Le Directeur du trésor public contactait alors l’imprimerie nationale et demandait de lui fournir la contre-valeur de huit ou dix millions de dollars qui allaient être échangés immédiatement sur la place financière de Kinshasa. La place financière à Kinshasa se trouve alors, comme maintenant d’ailleurs et comme on pouvait alors la trouver dans les rues de Lima au Pérou, ou dans de nombreuses capitales où l’hyper inflation sévit. L’échange de monnaie se fait dans la rue et c’est la rue qui fixe le taux de change du marché. Ainsi, au fur et à mesure des voyages et des lubies du président, au fur et à mesure des demandes de plus en plus folles, de plus en plus démesurées en cascades, la machine à imprimer fonctionnait alors à plein régime. Et dans la rue, les cours de la monnaie Zaïre s’effondraient. La perte de change était alors visible et sensible de jours en jours, d’heures en heures même. Malheureux celui ou celle qui avait encore quelques zaïres en poche à la fin de la journée. Et les perdants à ce moment étaient les plus nombreux, d’ailleurs toujours un peu plus nombreux chaque jours : les pauvres dont le nombre ne cessait d’augmenter. Les classes moyennes, les fonctionnaires furent évidemment très durement impactés, ainsi que tous les citadins.
En 1967, il fallait deux Z pour avoir un dollar Américain. En 1980, la monnaie s’était régulièrement érodée et on n’obtenait plus que 0,38 USD pour un Zaïre. Mais en décembre 1989, il fallait 1.990.000 Z pour avoir un USD !
Fin août 1991, une mission du FMI quitta Kinshasa sans avoir accepté de financer les fins de mois difficiles du trésor public, ce trou sans fond du pays.
Acculé, le Président convoqua alors ses chefs d’Etat majors de l’armée et les informa qu’il ne pouvait plus les payer. On dit qu’il les encouragea presque à utiliser ce qu’ils avaient dans les mains et ce qu’ils savaient faire de mieux avec.
En deux jours, le 23 et 24 septembre 1991, l’armée régulière d’abord, puis aidée de la population mit fin à une économie pré-industrielle et commerciale à Kinshasa. La ville fut pillée en deux jours et rien qu’à Kinshasa, on estima plus tard les dégâts dans l’industrie à 2,5 milliards de dollars américains. Certains fleurons disparurent à jamais. Cependant, il faut bien être conscient que ces premiers pillages venaient en fait confirmer et accélérer une politique de décapitalisation entamée dans les années 70.
Les pillages de septembre 1991 entrainèrent évidemment un grand nombre de conséquences. Les «partenaires financiers », autrement dit les bailleurs de fonds avec en tête la Commission Européenne qui était le premier contributeur financier d’alors arrêtèrent leur coopération formelle avec l’Etat Zaïrois. Le premier Ministre de l’époque (Léon Kengo Wa Dondo, président du sénat à Kinshasa jusqu’en 2019) signa même un accord qui confiait totalement la mise en œuvre de la coopération Européenne à la seule Commission Européenne, sans que l’administration ou les institutions gouvernementales n’aient leur mot à dire. Cette disposition à elle-seule aura des conséquences très significatives sur la destruction de l’Etat, de son administration. Les meilleurs éléments furent captés par la myriade d’organisations « d’aide au développement » qui prospérèrent alors et qui continuent, encore aujourd’hui de sévir dans ce pays qui a encore bien du mal à se relever.
Ainsi, loin de contribuer à renforcer, réparer l’Etat, les « bailleurs de fonds », (entendu traduit une fois sur le terrain par « le blanc qui donne l’argent »), ceux-ci viendront alors accélérer la lente mais sûre destruction de l’Etat. Le secteur de la santé, le secteur de l’environnement sont toujours impactés aujourd’hui par les conséquences des décisions de 1991 et au moins pour ces deux secteurs, on peut considérer aujourd’hui que le Congo n’applique toujours pas sa souveraineté sur la définition et la mise en œuvre de ses politiques sectorielles.
Acculé, fragilisé politiquement, Mobutu tenta une ouverture politique qui eut au moins le mérite, pour lui, de le maintenir au pouvoir. Sa capacité de nuisance et la gouvernance monétaire ne changea pas fondamentalement et en décembre 1992, la banque centrale du Zaïre lança sur le marché des coupures de cinq millions de Zaïres (coupure surnommés « prostate » par les kinois, en référence à la maladie du maréchal président, maladie qui allait l’emporter quelques années plus tard). Ce billet fut refusé par tout le monde. A la fois par les fonctionnaires et notamment les militaires, mais aussi par les opérateurs commerciaux sur le marché de Kinshasa.
En janvier 1993, pas seulement à Kinshasa mais dans plusieurs villes du pays, une nouvelle vague de pillages survint. Elle eut pour effet de détruire ce qui restait encore des entreprises un peu sur pied.
En octobre 1993, pour juguler la dégringolade de la monnaie et pour repartir du bon pied « tout doit changer, tout va changer, rien ne sera plus jamais comme avant… » (dixit Mobutu), est lancée une nouvelle monnaie, le nouveau Zaïre (NZ), qui supprime six zéros sur les billets qui commençaient à être longs. Un NZ valait alors trois millions d’anciens Z.
Et c’est là que commence notre histoire de sécession monétaire : Dans les deux provinces du Kasaï, dont les capitales sont Mbuji-Mayi et Kananga, les cadres provinciaux, y compris établis hors de leur province d’origine s’organisèrent et rapatrièrent, physiquement, les billets d’anciens Zaïre dans les deux provinces. Toute la population Kasaïenne refusa catégoriquement d’utiliser les NZ dans la province, et ce, pendant plus de quatre années. La circulation des anciens zaïre prit fin avec l’arrivée de L.D. Kabila après qu’il eut pris le pouvoir à Kinshasa en mai 1997 après la fuite de Mobutu et mit ainsi fin à l’une des expérience de sécession monétaire réussie.
Pourquoi cette monétaire a-t-elle fonctionné ? Comment a-t-elle pu fonctionné et se maintenir aussi longtemps dans un pays qui revendique par ailleurs son unité ? Quelles sont les conditions qui ont permis l’émergence de cette idée de sécession et son maintien malgré une présence forte et apparemment dissuasive des forces de l’ordre de l’Etat central et de l’autorité de Kinshasa qui était certes affaiblie.
Toujours est-il que, à partir d’une masse monétaire devenue alors stable puisqu’il était interdit de l’imprimer, y compris et surtout par la banque centrale, à partir de cette masse monnaie stable, devenue également officiellement illégale, les deux provinces (totalisant de l’ordre de trois-cent-vingt mille kilomètres carrés, soit quasiment les deux tiers de la surface de la métropole Française et peuplés alors de l’ordre de dix millions d’habitants) ont réussit le tour de force à l’utiliser pour les échanges commerciaux du quotidien et même à dédollariser les échanges alors que dans le reste du pays, la nouvelle monnaie dont la gouvernance n’avait pas fondamentalement changé se voyait supplantée par le billet vers Américain, tendance qui dure toujours aujourd’hui.
Dans la vie pratique, on s’échangeait les marchandises, ses courses ou les services avec des liasses de billets de la contre-valeur d’un dollar (un dollars pour dix sept millions cinq-cent mille anciens zaïres), liasses elles-mêmes réunies par paquets de dix liasses, soit cent-septante-cinq millions d’anciens zaïres comme contre-valeur de dix dollars Américains. Personne ne recomptait plus les liasses qui s’échangeaient par paquets. Au bout de trois ou quatre années de ce traitement, chacun transportait sa monnaie dans une épaisse enveloppe de papier kraft, qui isolait au moins un peu de la saleté des billets qui n’étaient plus remplacés, plus comptés mais qui servaient au quotidien aux échanges commerciaux.
Alors comment c’est possible ?
L’origine première est à rechercher dans le caractère militant, dans la culture des Kasaïens. L’opposant politique le plus farouche, celui qui, selon la légende, n’abdiqua pas son opposition devant le Maréchal, M. Etienne Tshisekedi venait du Kasaï. Mais au-delà de ça, très tôt, les Kasaïens eurent pour stratégie familiale d’envoyer leurs enfants à l’école et mirent leur énergie à les faire accéder à des postes partout dans l’administration et dans le secteur privé. On retrouva et on retrouve toujours encore aujourd’hui des Kasaïens partout dans le pays et dans les secteurs vitaux : banque, administration et également dans les mines du Kasaï et les mines cuprifères du Katanga. La MIBA, la GECAMINES, les entreprises nationales étaient managées par des zaïrois et souvent la majorité des cadres venaient des provinces du Kasaï.
Quand survinrent les pillages et l’affaiblissement politique du président, la confirmation du statut d’opposant de l’enfant de la province, les cadres provinciaux, même s’ils travaillaient dans le reste du pays, s’identifièrent et soutinrent leur champion Etienne Tshisekedi (papa de l’actuel président Félix du même nom). Au moment de l’apparition de la nouvelle monnaie en octobre 1993, ils avaient eu l’information bien avant tous leurs compatriotes et s’étaient organisés pour rapatrier le plus possible de billets de tout le pays. Les Kasaïens banquiers organisèrent ainsi le transfert des coupures, au nez et à la barbe des autorités de Kinshasa qui étaient alors occupés à diffuser la nouvelle monnaie sans s’occuper de contrôle la récupération des anciens billets.
Ensuite, les conditions physiques aidèrent les sécessionnistes. Quasiment vingt-cinq années de Mobutisme, qui avait fait du non entretien des routes une doctrine sur la base du fait que si les routes étaient détruites, il était alors impossible d’organiser une révolution ou une invasion par un pays voisin hostile. L’histoire justement montrera que cette doctrine était fausse. Mais le fait est que, au début des années 90, (et malgré quelques améliorations sur les grands axes, la situation des routes dans le pays est toujours problématique), le réseau routier national n’existait pas rendant impossible les échanges terrestres. Les communications n’étaient alors possible que par la voie aérienne principalement, par la voie fluviale un peu, mais les deux provinces du Kasaï ne sont pas directement connectés avec la capitale qui est à plus de mille-cinq-cent km de là. La voie ferrée ne reliait déjà plus qu’épisodiquement et de manière incertaine Lubumbashi, la capitale cuprifère du Katanga (Appelée Shaba du temps de Mobutu).
Le régime de Mobutu contribua également à entretenir la sécession. En effet, l’ancien zaïre fut dès lors considéré comme illégal et les voyageurs aériens arrivant dans les aéroports des autres provinces en provenant des deux provinces du Kasaï étaient systématiquement fouillés et gare à celui qui avait gardé un malheureux billet de l’ancienne monnaie. Ainsi, les forces de police contribuèrent à maintenir la masse monétaire stable en empêchant sa fuite vers les autres provinces.
L’économie Kasaïenne, grand territoire enclavé dans ce grand pays (les deux provinces ne sont pas frontaliers avec aucun des pays voisins), est soutenue par des échanges intenses parce que son sol regorge d’une ressources fort convoitée : le diamant. Le commerce du diamant, même si officiellement il fut fort contrôlé et fort surveillé ne cessa jamais, même au plus fort des périodes d’incertitudes économiques, politiques, sécuritaires.
Alors qu’est ce qu’on peut tirer comme leçons historico-économiques de ce pan de l’histoire Congolaise qui est finalement très peu documentée ?
Tout d’abord, la gouvernance de la monnaie. Une gouvernance imbécile, qui imprime de la monnaie ou qui la crée de manière inconsidérée ne fait que dégrader sa valeur. Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire économique à part aux Etats-Unis (jusqu’ici du moins) où la création monétaire déconnectée de la création de richesse n’aboutisse pas à une catastrophe économique d’ampleur, amenant quasi toujours à un changement de régime, à un changement de système.
Ensuite, une monnaie, même sécessionnée ou sécessionniste fonctionne sur un territoire délimité, et dont les frontières sont contrôlées, les flux extérieurs sont contrôlés. Dans le cas d’espèce, c’était le régime de Mobutu qui se chargeait de fait de cette fonction et le territoire, faute d’infrastructures routière était, de fait, contrôlé et délimité. L’intérieur du pays fonctionnait alors un peu comme une île, mais sans les bateaux.
La cohésion de la population. Cette caractéristique est essentielle pour la bonne compréhension du processus de sécession. Dans les provinces du Kasaï, la cohésion a été possible sans doute par le fait de plusieurs facteurs, mais dont je mettrai en tout premier lieu la qualité et le niveau de formation de ses cadres. Ensuite, politiquement, la population était excédée par plus de vingt années de gabegies et de politiques Mobutistes qui affichait sinon sa haine, du moins sa grande méfiance, pour ne pas dire sa défiance envers les Kasaïens. Le président, originaire de la province de l’Equateur avait pris soin de mettre ses frères de provinces aux postes importants dans l’armée. Mais il voyait d’un mauvais œil l’appétit des Kasaïens et leur volonté de prendre des postes dans les fonctions stratégiques dans l’économie, l’administration et la politique du pays. Finalement, la cohésion de la population fut aussi la résultante de plus de vingt-cinq ans de brimades, de mépris et de paupérisation par le régime.
Un peuple, un territoire, une volonté politique.
Que faut-il finalement de plus pour réaliser une sécession ?