Gerard Araud, diplomate français : « L’Europe en pleine cécité, ne voit pas que c’est fini »
INTERNATIONAL


L’ancien ambassadeur de France à Washington Gerard Araud, a mis dans une tribune publiée ce vendredi 25 août par le média britannique The Telegraph, dans laquelle il met en exergue la cécité des européens vis à vis aux grands bouleversements que connaît le monde.
« Nous, Européens, restons convaincus du rôle central de notre petit continent non seulement dans l’histoire de l’humanité mais aussi dans la construction du monde d’aujourd’hui. Nous faisons la leçon à tout le monde sur la base de valeurs que nous croyons fermement universelles. Nous nous considérons comme nobles, puissants et bien intentionnés » dira le diplomate français, estimant au passage que tous les signes suggèrent que l’avenir de l’humanité se décidera ailleurs
Et de souligner » Oui, les Européens ont dominé le monde entre 1815 et 1945, et depuis lors jusqu’à aujourd’hui, nous nous tenons juste derrière les États-Unis. Mais cela ne faisait que deux siècles : une virgule dans l’histoire du monde. Jusqu’en 1650, le PIB de l’Inde et, jusqu’en 1750, celui de la Chine étaient probablement supérieurs à ceux de n’importe quel pays d’Europe ».
Et de poursuivre » Ainsi, à New Delhi et à Pékin, nous étions considérés comme des nouveaux arrivants au cours de notre période de domination, et le rééquilibrage économique en cours au cours des dernières décennies entre l’Europe et l’Asie est considéré comme un simple retour à la norme historique à long terme. Les parvenus sont remis à leur place ».
Sur ce registre, Gerard Araud revient sur cette déclaration prononcée en 2016 par l’ancien président américain Barack Obama dans une interview accordée à The Atlantic, estimant que l’avenir de l’humanité se déciderait entre New Delhi, Pékin et Los Angeles.
« En effet, lorsque j’étais ambassadeur de France à Washington, j’ai remarqué à quel point nos supposés héritiers nous considéraient plutôt avec un mélange d’indifférence, de lassitude et de négligence. Nous étions la vieille tante dont les propos décousus étaient plus ou moins gentiment ignorés » note le diplomate français.
Et d’ajouter » Pour les États-Unis, la croissance potentielle, mais aussi les principaux défis, se situent en Asie. Il est donc tout à fait logique que Washington se tourne vers ce continent. Il ne peut y avoir aucune confusion à ce sujet. Pour les États-Unis, la Russie est une puissance régionale, une source de souffrance mais qui n’est pas au centre de leur attention. Ils veulent mettre fin au plus vite à la guerre en Ukraine pour faire face à la véritable menace : la Chine » .
En conclusion Gerard Araud s’interroge au sujet de l’avenir de l’Europe dans un monde en pleine mutation « Sommes-nous, Européens, capables de prouver que nous comptons toujours, que nous ne sommes pas une destination touristique périphérique ? »
« J’en doute, et pour une raison bien particulière. En tant que Français ayant vu son pays, la Chine de l’Europe de 1815, perdre progressivement sa puissance parallèlement à son déclin démographique, je crois fermement que la démographie est une fatalité » .