Béez, vous êtes remplacés
La Lettre du Duc de Guise
LIBRE EXPRESSION


Mes producteurs/fournisseurs/partenaires existentiels ne me procurent pas deux choses essentielles, à savoir le papier 17 et le sucre. Ils ne font aucun effort créatif pour satisfaire ma pleine demande. Aussi une fois par trimestre, je suis obligé de me coltiner le monde merveilleux du supermarché local. Il faut remarquer que c’est pour moi un grand moment d’observation. Depuis 3 ans, c’est vraiment l’école du cirque qui s’exprime gratuitement sous mes yeux. Le comportement des Bidochon BFMitisés rend le spectacle grandiose et ma corvée trimestrielle, est devenue pour moi un vrai divertissement.
Aujourd’hui, le spectacle burlesque a entamé sa minute poignante. Il en faut toujours une pour bien ficeler la prestation et marquer les esprits. Les meilleures rentrent dans les annales. Bref. Tout ça pour dire que les gérants de ce magasin viennent d’installer des caisses automatiques où le consommateur devient l’employé momentané et gratuit. Il y a bien là dissimilation d’emploi. Que font ces inspecteurs du travail qui d’ordinaire sont alertes pour harceler et terroriser sur ce thème les TPE/PME ?
Les caissières ne se révoltent pas contre une pratique qui réduit leur activité et les met déjà au chômage. Elles sont dans le principe de la chute, tant qu’elles n’ont pas atteint le sol fatal, tout va bien jusque là. Pourtant l’issue est prévisible et mortel. Quel manque de projection !
Que font les syndicats censés défendre les intérêts des travailleurs ? Que font plus généralement les forces de la Gôôôche pour dénoncer le remplacement de l’humain par la machine qui n’est qu’un pion non joueur dans ce Game délétère ? Elles préfèrent croasser dans les hémicycles de la représentativité politique plutôt que d’être pertinentes et combatives. Ils y a fort longtemps qu’elles ont abandonné les fondements de leurs raisons d’être qui étaient jadis la défense des travailleurs et des exploités. Mathilde Panot n’est pas Louise Michel, il faut bien comprendre l’entourloupe idéologique actuelle.
La direction de cette enseigne mercantile a dépensé des centaines de milliers d’euros pour installer ce matériel. La somme investie correspond à des mois de salaire et une garantie sociale pour quelques laborieuses, pour tout de même payer une personne épiant le client de l’œil de la suspicion, dépenser des sommes coquettes pour l’entretien technique et informatique de ce matériel, gaspiller de l’énergie électrique. Je passe outre la déshumanisation de l’échange commercial. De surcroît, en cas de panne électrique ou informatique (bug, piratage, etc.) ou de rupture de réseau, le client reste planté là comme le Ravi de la crèche. La dernière tempête nous a donné le ton.
Le sommet de cette ignominie est le comportement des clients. Bien qu’il n’y a pas d’obligation d’utilisation, les consommateurs prennent d’assaut ces caisses automatiques. Ils prouvent une fois encore qu’ils refusent, après la naguère juste rétribution du travail des autres (par l’idéologie du moindre coût), le maintien du travail des autres. Beaucoup d’entre eux seront à leur tour remplacés par d’autres machines et surtout par l’IA dont les ravages se font déjà sentir. Ce ne sera que justice, minable, mais justice quand même. Évidemment, la cohésion sociale n’est plus, mais les fautifs sont les acteurs eux-mêmes, empêtrés dans leur individualisme, leur égoïsme de la plus mauvaise facture.
Si nous ne boycottons ces caisses, tantôt nous n’aurons plus d’autres choix que de les utiliser faute de caissière en chair et en os maintenue en place. Entre le sourire d’une personne ponctuant son échange verbal et une saloperie de machine aussi froide que la mort, mon choix est vite fait. Et vous ?